Dominique, dit “Mimi”, Costa a-t-il appliqué une forme de “légitime défense préventive”? Un an après le meurtre d’un homme retrouvé près d’un buggy sur une route de Corse, cette figure d’une famille au coeur du banditisme insulaire, selon les enquêteurs, vient d’être mise en examen.
Le 13 mai 2019, le corps d’Antoine Francisci, 22 ans, avait été découvert au petit matin à Pietralba, sur une route départementale déserte de Haute-Corse, à une quinzaine de kilomètres de Moltifao, fief de la famille Costa. Il avait été tué de plusieurs coups de fusil de chasse.
Le jeune homme, connu seulement pour des infractions routières, fréquente pourtant “le grand banditisme insulaire”, aux yeux des autorités. Et l’enquête des gendarmes a permis de découvrir qu’il était justement le jour des faits en compagnie d’un de ses membres, Laurent Emmanuelli, 29 ans, indiquent à l’AFP des sources concordantes.
Connu pour “travail dissimulé, menaces, attentats à l’explosif et infraction à la législation sur les jeux en bande organisée”, Laurent Emmanuelli était en réalité “la véritable cible de l’attaque” et “Francisci, son bras droit”, selon ces sources. Depuis, Laurent Emmanuelli se serait enfui à l’étranger, avancent-elles.
“On peut se demander ce que faisaient ces deux hommes, de nuit, à bord d’un véhicule volé, sur les terres de Dominique Costa”, souligne l’une de ces sources. Une des hypothèses des enquêteurs est que les deux hommes comptaient s’en prendre à Dominique Costa. Ayant appris leur plan, ce dernier aurait appliqué une forme de “légitime défense préventive”.
Cette guerre de clans, qui semble fondée sur une “lutte de sphères d’influence entre un groupe installé et la génération montante”, a également conduit à deux tentatives de règlement de compte, en février et juin 2020, à L’Ile-Rousse.
Lors des perquisitions menées pendant l’enquête, une trentaine de fusils et carabines ont été saisis, ainsi que trois pistolets, une cagoule, un gilet pare-balles, un véhicule volé, 10.000 euros en liquide et de nombreux téléphones.
“Même en Corse, le crime ne reste pas impuni”, se félicite une source proche du dossier.
En 2015 déjà, “Mimi” Costa avait été condamné à quatre ans de prison et 50.000 euros d’amende pour blanchiment et extorsion.
Dans l’ordonnance de renvoi qu’il avait rédigée avant ce procès, le juge d’instruction Charles Duchaine, aujourd’hui directeur de l’Agence française anticorruption, avait tracé un portrait de la famille Costa, “notoirement connue pour son appartenance au banditisme insulaire“. Maurice, un des frères de Dominique, assassiné en août 2012, était pour le juge, “l’un des personnages centraux de l’organisation criminelle dite de «la Brise de Mer»”.
Lors du procès de 2015, un autre membre de la fratrie, Jacques Costa, actuel maire de Moltifao et président du parc naturel régional de Corse, avait été condamné à 18 mois de prison avec sursis, 20.000 euros d’amende et une interdiction définitive de gérer pour des abus de biens sociaux commis au sein de son entreprise Travaux Publics Moltifao.
Plus récemment, un neveu des frères Costa, Patrick Costa, a été condamné en octobre 2019 à 18 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende pour escroquerie aux subventions agricoles et est visé par une enquête pour escroquerie en bande organisée, ouverte en décembre, concernant 850.000 euros d’aides agricoles.
A l’audience de 2015, le procureur avait souligné l’ancrage de Dominique Costa “dans le grand banditisme à travers les délits d’extorsion, de blanchiment, de travail dissimulé”.
Il devrait de nouveau comparaître devant la justice dans les prochains mois.
Officiellement exploitant agricole, Dominique Costa, 65 ans, est poursuivi depuis le 24 juin pour meurtre en bande organisée, comme deux de ses “lieutenants”, Pierre-Louis Vignali et Mathieu Fondacci, dans l’enquête sur l’assassinat d’Antoine Francisci.
Tous les trois, également mis en examen pour tentative d’assassinat de Laurent Emmanuelli, ont été placés en détention provisoire.
Deux autres hommes, François Santelli et Nicolas Vinciguerra, ont quant à eux été mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de crimes et d’assassinats en bande organisée et placés sous contrôle judiciaire.
Tous nient les faits qui leur sont reprochés.